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L’essentiel de la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, par Honorine CARNEIRO et Anne-Sophie SANNIER

Retour sur les mesures phares de cette réforme qui s’est donnée comme objectif de rétablir la confiance entre les citoyens et l’institution judiciaire. A priori, cela passe notamment par une meilleure connaissance de la justice et de son fonctionnement.

Création d’un pôle spécialisé concernant les crimes en série ou non élucidés  

Les empreintes génétiques des victimes ou de leurs ascendants, descendants ou collatéraux lorsque l’empreinte génétique de la victime n’a pas pu être recueillie pourront être inscrites au fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) – Article 706-54 du code de procédure pénale.  

Dans le livre IV du CPP, est inséré un titre XXV bis concernant la procédure applicable aux crimes sériels ou non élucidés – Articles 706-106-1 et suivants du code de procédure pénale. Est ainsi créé un pôle judiciaire dédié aux crimes en série et non élucidés à Nanterre.

Pour en savoir plus sur ce pôle spécialisé : COSTE (A.), « Les crimes sériels ou non élucidés ont leur juridiction spécialisée », AJ Pénal, 28 janvier 2022  

Généralisation des cours criminelles départementales et renforcement de l’organisation des procès d’assises  

La loi du 23 mars 2019 a institué les cours criminelles départementales pour une période d’expérimentation de 2 ans. La loi du 22 décembre 2021 vient les généraliser à compter du 1er janvier 2023 et insert un sous-titre 2 « De la cour criminelle départementale » au livre II du titre Ier. Les dispositions relatives aux cours criminelles départementales se retrouvent alors aux articles 380-16 et suivants du code de procédure pénale.  

Contrairement aux cours d’assises, les cours criminelles départementales ne sont pas composées d’un jury populaire mais de 5 magistrats et sont compétentes pour connaitre des crimes punis de 15 à 20 ans de réclusion criminelle.  

Une réunion préparatoire criminelle sera organisée afin de permettre aux parties de s’entendre sur le déroulement du procès, comme par exemple trouver un accord sur la liste des témoins.  

Enfin, comme pour la cour d’assises, une majorité de 7 voix (contre 6 jusqu’à présent) sera requise en cas de décision défavorable à l’accusé.  

Enregistrement des audiences dans un but pédagogique  

A la suite de l’affaire Dominici, le principe était l’interdiction de filmer les procès avec la loi du 6 décembre 1954. L’enregistrement risquait de porter atteinte à la sérénité de la justice, des audiences, mais également aux accusés et prévenus. Une dérogation avait été apportée par la loi Badinter du 11 juillet 1985. Cette loi permet en effet de filmer les procès revêtant une dimension historique (exemples : Klaus Barbie, Maurice Papon, attentats du 13 novembre 2015).

La loi du 21 décembre 2021 vient insérer un article 38 quater dans la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Par dérogation, il est désormais possible d’enregistrer une audience pour un motif « d’intérêt public d’ordre pédagogique, informatif, culturel ou scientifique » . Cet enregistrement ne pourra cependant être diffusé qu’à compter du moment du jugement définitif de l’affaire avec l’accord des parties.  

La diffusion possible d’audiences permettra ainsi aux français de mieux comprendre le fonctionnement de la justice.  

Généralisation du droit de se taire  

A la suite de nombreux rappels à l’ordre par le Conseil constitutionnel saisi de QPC, a été ajouté un nouvel alinéa à l’article préliminaire du CPP qui généralise ainsi le droit de se taire comme suit : « En matière de crime ou de délit, le droit de se taire sur les faits qui lui sont reprochés est notifié à toute personne suspectée ou poursuivie avant tout recueil de ses observations et avant tout interrogatoire, y compris pour obtenir des renseignements sur sa personnalité ou pour prononcer une mesure de sûreté, lors de sa première présentation devant un service d’enquête, un magistrat, une juridiction ou toute personne ou tout service mandaté par l’autorité judiciaire. Aucune condamnation ne peut être prononcée sur le seul fondement de déclarations faites sans que ledit droit ait été notifié ».  

Renforcement de la présomption d’innocence  

Le fait pour une personne ayant connaissance, en raison de ses fonctions, d’informations issues d’une enquête ou d’une instruction en cours et de les révéler intentionnellement sera désormais puni de 3 ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. La peine sera portée à 5 ans et 75 000 euros d’amende si la révélation est effectuée au bénéfice des auteurs, coauteurs, complices ou receleurs. Enfin, lorsque la révélation est effectuée dans le cadre d’une enquête ou d’une instruction concernant la criminalité et la délinquance organisée, la peine est de 7 ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende – Article 434-7-2 du code pénal  

Secret de l’avocat mieux garanti 

L’article préliminaire du code de procédure pénale précise que le respect du secret professionnel aux fins de préparation de la défense est garanti tout le long de la procédure pénale, sans porter atteinte au libre exercice de la profession – article 56-1 du code pénal.

Au surplus, les perquisitions au sein d’un cabinet d’avocat ainsi qu’à son domicile sont autorisés sous décision condition de décision écrite et motivée du juge des libertés et de la détention. Elle n’est toutefois possible que s’il existe des raisons plausibles de le soupçonner d’avoir commis ou tenté de commettre, en tant qu’auteur ou complice, l’infraction faisant l’objet de la procédure ou d’une infraction connexe.  

En matière d’interceptions judiciaires, celles-ci ne pourront plus porter que sur une ligne dépendant du cabinet ou de son domicile, sauf raisons plausibles de le soupçonner dans les mêmes conditions susmentionnées. – article 100 du code de procédure pénale.   

À peine de nullité, l’accès aux données de connexion émises par un avocat sans pouvoir opposer l’obligation au secret professionnel. – article 60-1 du code de procédure pénale.  

Ces dispositions entrent en vigueur au 1er mars 2022.  

Encadrement de l’enquête préliminaire 

L’enquête préliminaire sera désormais limitée à maximum deux ans. Elle pourra cependant être prolongée sur décision écrite et motivée du procureur de la République pour une durée d’un an – Article 75-3 du code de procédure pénale.  

Les parties privées disposeront d’un meilleur accès au dossier dès la phase d’enquête puisque le procureur de la République peut mettre à la disposition de celles-ci une copie du dossier de la procédure. Elles pourront effectuer des observations, notamment sur la régularité de la procédure.  

De plus, la réforme étend les hypothèses dans lesquelles l’ouverture au contradictoire par la communication de la procédure peut être demandée par le mis en cause. La demande de communication de la procédure sera désormais recueillie favorablement si au moins une des conditions suivantes est remplie :  

  • La personne a été interrogée dans le cadre d’une audition libre ou d’une garde à vue qui s’est tenue il y a plus d’un an ; 
  • Il a été procédé à une perquisition chez la personne il y a plus d’un an ; 
  • Il a été porté atteinte à la présomption d’innocence de la personne par un moyen de communication au public – Article 77-2 du code de procédure pénale. 

Encadrement de la perquisition chez les majeurs protégés  

Lorsqu’il apparait en raison des éléments recueillis dans l’enquête préliminaire que la personne chez laquelle il doit être procédé à une perquisition est un majeur protégé révélant que ce dernier ne peut pas exercer seul son droit de s’opposer à la réalisation de l’opération, l’officier doit en aviser par tout moyen son curateur ou tuteur. A défaut, la perquisition doit être autorisée par le JLD – nouvel article 706-112-3 du code de procédure pénale.

Limitation du recours à la détention provisoire  

La réforme encourage le recours au bracelet électronique ou au bracelet anti-rapprochement en matière correctionnelle puisqu’au-delà de 8 mois de détention provisoire, le JLD devra indiquer les motifs démontrant l’insuffisance de telles mesures – Article 137-3 alinéa 1 du code de procédure pénale.

Suppression du rappel à la loi, remplacé par l’avertissement pénal probatoire à compter du 1er janvier 2023  

La mesure d’avertissement pénale probatoire consiste à rappeler à l’auteur les obligations résultant de la loi ainsi que les peines encourues en cas de réitération. Si réitération dans un délai de 2 ans, l’infraction pour laquelle l’avertissement a été prononcé pourra faire l’objet de poursuites.  

Cet avertissement pénal probatoire se retrouve désormais à l’article 41-1 1° du code de procédure pénale.  

Durcissement de la période de sûreté en cas d’homicide volontaire à l’encontre d’un policier.  

« Quand on agresse un policier, un gendarme, ce n’est pas n’importe qui que l’on agresse, on agresse la République », a plaidé le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti. 

Dès lors, la période de sûreté en cas d’homicide volontaire à l’encontre d’un policier est portée à 30 ans.  

Cette période de sûreté n’était prévue que pour les crimes commis en bande organisée.

Protection du tiers face à la peine de confiscation  

Lorsque la confiscation porte sur un bien pour lequel un tiers dispose d’un droit de propriété, elle ne peut être prononcée que si ce tiers a été mis en mesure de présenter ses observations sur cette mesure en vue notamment de faire valoir le droit qu’il revendique et sa bonne foi – modification de l’article 131-21 du code pénal et ajout d’un dernier alinéa. 

Révision de quelques modalités d’aménagement de peine  

Les crédits automatiques de réduction de peine, instaurés par la loi Perben II en 2004, sont supprimés. Ils sont remplacés par une réduction de peine accordé par le JAP aux personnes ayant montrées des preuves suffisantes de bonne conduite et qui ont manifesté des efforts sérieux de réinsertion – Article 721 du code de procédure pénale.

La libération sous contrainte devient automatique 3 mois avant la fin de la peine concernant les peines privatives de liberté de moins de 2 ans.  

Création d’un Code pénitentiaire et émergence du contrat d’emploi pénitentiaire (titre III de la loi)  

L’objectif de ce contrat est de maintenir le lien avec la société, qui joue un rôle majeur dans la prévention de la récidive. Plusieurs dispositions : favoriser la réinsertion professionnelle, renforcer les droits liés au travail, améliorer l’image du travail pénitentiaire et attirer différentes entreprises.  

A compter du 1er mai 2022, le détenu bénéficiera d’une évaluation socio-professionnelle aux fins de proposition d’un ou plusieurs régimes de travail. Le détenu pourra par la suite postuler aux offres d’emploi et passer des entretiens professionnels.  

Concernant le contrat, l’objectif principal de ce dernier est d’aligner un maximum les droits du travailleur détenu à celle du droit commun du contrat de travail.  

La rémunération ne peut pas être inférieure à 1,67 € par heure. 

Enfin, la loi prévoit de rassembler et d’organiser au sein d’un code pénitentiaire les dispositions relatives au service public pénitentiaire.  

Pour aller plus loin

“Loi pour la confiance dans l’institution judiciaire : dispositions relatives aux grands principes de procédure pénale”, Dalloz actualité, 2 février 2022 https://www.dalloz-actualite.fr/flash/loi-pour-confiance-dans-l-institution-judiciaire-dispositions-relatives-aux-grands-principes-d#.YnPHEy8iv0o

  Dossier législatif de la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 https://www.legifrance.gouv.fr/dossierlegislatif/JORFDOLE000043370376/