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“Les animaux”, par Neslihan KOSEOGLU

Citation

« L’hypothèse selon laquelle les animaux n’ont pas de droit et l’illusion que la façon dont nous les traitons n’a aucune signification morale est un exemple positivement scandaleux de la grossièreté et de la barbarie occidentale. La compassion universelle est la seule garantie de la moralité » – Arthur Schopenhauer

Evolution de la législation

La prise en compte de l’animal par le droit a été lente et consacrée de manière éparpillée dans plusieurs matières.

En témoignent les grandes lois :

1804 -Code civil : les animaux sont classés dans la catégorie des biens meubles. Ils peuvent donc être vendus, torturés, et être détruits.

1850 -Loi Grammont : présentée comme la première loi sur la protection de l’animal. Origine : le député Grammont, ému par le sort des chevaux de guerre, va impulser la loi punissant toutes formes de cruauté envers les animaux. Toutefois cette loi se contente d’incriminer les mauvais traitements publics. L’objectif poursuivi est la sensibilité des spectateurs, plus que la protection de l’animal.

7 septembre 1959 -décret Michelet : interdit totalement (même sans publicité) le mauvais traitement des animaux domestiques. 

Loi du 19 novembre 1963 : introduit le délit d’acte de cruauté envers les animaux domestiques apprivoisés ou tenus en captivité dans le Code pénal. 

Loi du 10 juillet 1976 : introduction d’un article dans le Code rural qui interdit les mauvais traitements. La peine encourue est une amende de 4e/5e classe. Par ailleurs, apparaît le terme « être sensible ». 

Nouveau Code pénal du 1er mars 1994 : comprend un article sur les actes de cruauté contre les animaux domestiques et en captivité. On a là, la prise en compte de la souffrance animale. Par ailleurs, l’abandon est défini comme étant le fait de laisser un animal sans soins, sans possibilité de s’alimenter ni de s’abreuver. C’est aussi un acte de maltraitance puni par l’article 521-1 CP. 

Loi du 16 février 2015 : Un amendement change le statut juridique des animaux domestiques et apprivoisés. Création article 515-14 Code civil « Les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité. Sous réserve des lois qui les protègent, les animaux sont soumis au régime des biens. ».

Loi du 30 novembre 2021 : loi visant à lutter contre la maltraitance animale prévoit plusieurs mesures telles que l’alourdissement des peines (cf pour la maltraitance et la zoophilie), l’interdiction de recourir à des animaux sauvages dans les cirques itinérants, l’interdiction de la vente d’animaux (chien & chat) en animalerie, et la signature d’un certificat d’engagement de connaissance de l’espèce lors des adoptions. 

Affaires jurisprudentielles récentes

Chasse : Conseil d’Etat, 25 octobre 2021 (affaire sur la chasse massive des oiseaux)

Le Conseil d’Etat sanctionne les arrêtés autorisant de manière dérogatoire la chasse à glu des oiseaux. 

En cause : la directive oiseaux du 30 septembre 2009 interdit le recours « à tous moyens, installations ou méthodes de capture ou de mise à mort massive ou non sélective ou pouvant entrainer localement la disparition d’une espèce ». Toutefois, la dérogation est possible (art 1er) s’il n’existe pas d’autres solutions pour assurer une capture sélective. Les arrêtés autorisaient la chasse massive sans justifier l’absence d’autres solution. Le Conseil d’Etat affirme que « l’objectif de préserver les méthodes de chasses traditionnelles ne constitue pas un motif autonome de dérogation au sens de cet article ».

Droit à la vie d’un chien : Conseil d’Etat, 1er décembre 2020

Dans une décision, le Conseil d’Etat inscrit une formule qui a fait couler de l’encre : « le droit  à la vie d’un chien ». Certains auteurs y voient une consécration d’un droit à la vie pour l’animal (pour N. Sochirca, si le juge vérifie la menace pesant sur un chien, c’est qu’il accepte l’existence de son droit à la vie). Or pour d’autres, tel que Joseph Reeves, les juge ne font que prolonger le droit de propriété de l’homme sur l’animal avec la logique suivante : le droit à la vie du chien est le droit du propriétaire sur la vie du chien. 

Et la personnalité juridique des animaux ?

Là où la France vient d’adopter une nouvelle loi renforçant l’arsenal de protection de l’animal, à l’étranger les juges utilisent l’habeas corpus pour donner aux animaux une personnalité non-humaine. La notion d’habeas corpus est utilisée dans les affaires suivantes :

  • Colombie : affaire de l’ours Chucho -la Cour suprême libère l’ours en captivité pour le placer dans une réserve.
  • Argentine : affaire du chimpanzé -les juges déclarent « l’animal est un sujet de droit et non un objet ». 

Certains auteurs sont de fervents défenseurs de l’attribution d’une personnalité juridique aux animaux (cf R. Demogue). Une telle consécration permettrait une plus grande protection de l’animal qui ne sera plus un meuble doué de sensibilité. Toutefois, comme le souligne Monsieur J.-P. Marguénaud, cette personnalité ne pourra jamais être totale à l’image de celle de l’homme. La personnalité juridique suppose la capacité de comprendre et de jouir de ces droits. L’animal serait selon lui un infans éternel et un aliéné incurable, l’empêchant d’avoir toute personnalité juridique. 

La solution serait peut-être, comme le suggèrent des auteurs, la création d’une personnalité sui-generis : les animaux auraient la personnalité mais pas tous les droits subséquents. Par ailleurs, la création d’un défenseur des animaux fût émise à la fin du colloque « Droit et personnalité juridique de l’animal » regroupant les réflexions de nombreux professionnels dont Monsieur R. Badinter. 

La notion de personnalité juridique est décrite comme une fiction : la personne morale en témoigne, alors pourquoi pas l’animal ?